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Stockage des données numériques : les futurs data centers seront à l’échelle moléculaire

Chaque année, la quantité de données numériques produite par l’humanité croît de façon exponentielle. De 64 zettaoctets (64 000 milliards de gigaoctets) en 2020, on devrait monter à plusieurs milliers en 2035 ! Or, la multiplication des data centers – des infrastructures de stockage gigantesques – qui en découle pose de nombreux problèmes : emprise au sol et consommation énergétique faramineuses, obsolescence à environ cinq ans des supports de stockage (disques durs, bandes magnétiques, etc.) qu’il faut renouveler en permanence. La recherche d’alternatives compactes, pérennes et non polluantes s’impose.
Et si l’avenir du stockage des données numériques se jouait à l’échelle moléculaire ? Il ne s’agit pas là de science-fiction, mais d’un défi que se sont lancé des chercheurs français, il y a une dizaine d’années : celui de coder des données binaires sur des polymères synthétiques, comme ceux qui constituent nos plastiques ou autres objets du quotidien. Ces « polymères informationnels », comme ils les ont nommés, se situent au croisement de la chimie, de la biologie, de l’informatique et de l’électronique.
Concrètement, les chercheurs utilisent les monomères, ces molécules le plus souvent organiques constitutives des chaînes polymères, comme un « langage » pour coder l’information binaire. Arbitrairement, ils définissent un monomère codant le bit-0, et un autre, dont la structure diffère, codant le bit-1. Le contrôle de leur agencement au moment de la synthèse (création de la chaîne polymère) aboutit à l’écriture de la suite de 0 et de 1 souhaitée. Pour déchiffrer ce message, le séquençage de la chaîne polymère permet de déterminer l’ordre des monomères.
Jean-François Lutz, chimiste des polymères et directeur de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (CNRS, Université de Strasbourg), ISIS, où il vient d’installer son équipe, cherchait à ouvrir une voie différente de celle « de biochimistes américains qui avaient commencé à stocker avec succès des données sur de l’ADN synthétique. Une “école de pensée” plus ancienne que la nôtre », précise le pionnier des polymères informationnels.
Aussi a-t-il fallu d’abord maîtriser l’enchaînement des monomères lors de la synthèse, condition sine qua non à l’écriture du message binaire. Entre 2014 et 2016, les Français se sont ainsi appliqués à développer des approches combinatoires et itératives, donnant naissance à de nouvelles chimies. Jusqu’alors, les voies de synthèse traditionnelles n’assuraient qu’un contrôle très sommaire de la chaîne polymère. En parallèle de leurs recherches a progressivement émergé une concurrence désormais internationale, en Europe, aux Etats-Unis et en Asie.
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